Ngamba Island, une île pour chimpanzés rescapés en Ouganda

Après l’UWEC, après la déception, le dégoût de cet endroit qui se fait appeler Education Centre j’ai toujours de l’espoir. J’espère profondément que ce qu’on a vu pendant ces quelques heures à déambuler dans les allées crasseuses de ce centre de “conservation” ne nous a pas donné un avant goût de comment l’Ouganda considère sa faune sauvage, l’un des plus grand trésor du pays.

J’avais placé beaucoup d’espoir dans l’UWEC et j’en ai tout autant placé dans Ngamba Island, cette île qui accueille des chimpanzés braconnés, blessés, utilisés dans les cirques comme des attractions pour imbéciles atteint d’un complexe de supériorité malsain. Alors nous voilà à l’embarcadère de bon matin pour rejoindre l’île à 45 minutes d’Entebbe, on enfile les gilets de sauvetage et on part à toute allure sur le lac Victoria, direction Ngamba.

Une île pour les chimpanzés

Après un trajet de quelques kilomètres sur le lac et un passage de l’Equateur ( je l’aurais passé 5 fois en tout ! ) on arrive sur une belle île où se succède des bâtiments à l’allure traditionnelle. On est accueilli par Paul, notre guide du jour, qui nous installe directement devant une tasse de café avant de nous diriger vers l’endroit où on aura les premières explications sur l’endroit où on se trouve.

Paul nous apprend tout d’abord que l’île de Ngamba n’était pas, à l’origine, une île déserte comme on aurait pu s’y attendre mais que l’île était en fait habitée et que ses habitants ont été relocalisés sur une île voisine pour que Ngamba Island soit réhabilitée, reboisée et réservée à 90% à des chimpanzés que la vie n’a pas épargné. C’est donc sur un projet soutenu par Jane Goodall qu’est née Ngamba Island et Chimpanzee Trust, l’organisation qui gère l’île et le projet de conservation. L’île a ouvert en 1998 et depuis plus de 10 ans elle accueille des pensionnaires de différents pays et de différents horizons.

ngamba island
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47 chimpanzés, 47 histoires différentes

Afrika est née aux alentours de 2007 dans la forêt de Kashoya Kitomi en Ouganda, elle a été récupéré bébé par des braconniers qui ont probablement tués sa mère pour la récupérer avant de la vendre pour qu’elle passe une partie de son enfance dans une cage. Elle a été récupéré en 2008 pour être transférée sur l’île.

Nakuu est née aux alentours de 2001. Elle était détenue par un soldat à Kampala qui l’avait ramené du Congo. Après s’être rendu compte des risques qu’il encourait à garder un chimpanzé il l’a remis aux autorités. Nakuu est arrivée à Ngamba Island en 2002.

Maisko est né en 1984 en RDC. Il a été récupéré par l’UWEC en 1988 mais illégalement envoyé en Russie dans un cirque avec 2 de ses congénères. Après avoir passé plusieurs mois à travers l’Europe il a été récupéré et renvoyé à l’UWEC avant d’être pris en charge sur Ngamba Island.

Non je ne vais pas vous énumérer chaque histoire de chaque chimpanzés mais je vous invite à les découvrir sur le site de Ngamba, rubrique “Our chimpanzees” !

Ces chimpanzés on a fini par les rencontrer après avoir eu l’occasion avec Paul de discuter de leur régime alimentaire (eh oui les chimpanzés mangent de la viande !) , de leurs besoins, des menaces qui pèsent sur eux. Ils sont en face de nous, à attendre le repas. Parce que oui, malgré ces dizaines d’hectares rien que pour eux l’île en elle même ne leur permet pas de se nourrir. Le groupe est grand et l’île, elle, n’est pas faite pour permettre à autant de chimpanzés de se nourrir. Alors les repas se font plusieurs fois par jour pour que tout ce petit monde puisse avoir de quoi se remplir le ventre ! On voit l’un des chimpanzés balancer quelque chose dans les buissons, j’essaye de distinguer au loin, ça ressemble à une branche… Mais non, il reprend son butin pour le traîner un peu plus loin, c’est une mangouste. Oui, une mangouste, morte, qui se fait épouiller patiemment par l’un des chimpanzés. Je l’ai dit plus haut, les chimpanzés mangent de la viande et chassent donc pour avoir cette viande mais les pensionnaires de Ngamba Island sont particuliers, ils chassent mais ne mangent pas de viande. Paul nous explique que ces animaux, enlevés trop tôt à leurs familles, n’ont pas pu apprendre. Apprendre à manger de la viande ? Pourtant ils savent chasser, j’ai du mal à comprendre ce paradoxe.

Je souris en les entendant hurler, ces bruits me ramènent plusieurs mois en arrière, quand je travaillais en parc. Ces animaux sont en semi liberté, pas vraiment libre mais pourtant dans un espace qui leur permet d’avoir des comportements très proches de ceux qu’ils ont dans la nature. Les fruits et les légumes commencent à voler, certains sautent pour attirer l’attention, d’autres tapent dans leurs mains, d’autres encore font ce bruit tellement caractéristique avec leur bouche. Je suis impressionnée de voir que tous ces primates font exactement ce que j’ai déjà pu observer chez leurs cousins captifs en France. Le groupe est énorme, on a du mal à tous les observer. D’un coup une querelle éclate sur l’un des flancs du groupe, un chimpanzé frustré hurle contre un congénère, saisit une branche, non, plutôt un petit tronc, et poursuit son ennemi du moment pour lui mettre une rouste. C’est aussi l’un des inconvénients d’avoir un si grand groupe, les querelles sont fréquentes, querelles qui peuvent parfois aller jusqu’à la blessure, les soigneurs veillent.

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Contraception et bébé surprise à Ngamba

C’est une des questions que je me posais par rapport à la gestion de la population de chimpanzés. Le groupe est mixte et ça implique de la reproduction à un moment ou un autre, reproduction pas nécessaire et qui pourrait même poser un réel problème dans un groupe de cette taille ou les batailles pour la dominance sont fréquentes voire quotidienne.

Paul nous explique alors que toutes les femelles de l’île sont sous contraceptif ce qui permet d’éviter tout bébé intempestif sauf que parfois, ça dérape ! Les chimpanzés sont intelligents et lorsque l’implant est placé dans le bras de l’une des femelles elle est capable de se rendre compte qu’on lui a fait quelque chose, les plus intelligentes arrivent même à arracher l’implant. Résultat ? Parfois le coït défendu aboutit sur une naissance imprévue et insoupçonnée. Ça a été le cas il y a quelques mois avec la naissance d’un petit chimpanzé. Lorsqu’il nous parle de cette histoire Paul nous invite en même temps à le suivre, loin du groupe de chimpanzés, un peu plus bas vers le rivage. On retrouve un bébé entrain de s’amuser dans l’herbe près de sa nourrice humaine.

Alors pourquoi le séparer du groupe ? Paul nous raconte que la mère est encore jeune et qu’elle a simplement paniqué à la naissance de son petit. Oui, paniqué. La conséquence a été que le petit s’est retrouvée à être convoité par d’autres femelles et que le risque d’un tel déchaînement d’intérêt aurait pu finir par la mort du petit. Lorsque l’équipe décide de le retirer du groupe le petit a déjà un bras cassé, la décision a été la bonne. Alors pour le moment le petit a une mère de substitution et ce jusqu’à ce que son bras soit totalement rétabli. Il se jette doucement dans l’herbe, joue avec ses jouets, une vision adorable.

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Ma rencontre avec la directrice de Ngamba Island

Après ce passage à Ngamba Island on repart vers Entebbe pour rencontrer Lilly Ajarova, la directrice, pour parler avec elle de conservation des espèces. Passionnée de conservation des espèces et de développement durable, elle s’est retrouvée un peu par hasard à la tête de Chimpanzee Trust (je cite). Elle interrompt sa participation à une réunion au sommet pour nous retrouver et répondre à quelques questions.

Le plan de réintroduction des chimpanzés

Si ces chimpanzés ont été accueillis sur l’île c’est bien sûr pour un but de conservation, comme les chimpanzés de l’UWEC ( qui ont moins de chance que ceux de Ngamba Island quand même ) mais aussi pour un jour retrouver leur milieu naturel. C’est de ce plan de réintroduction que je parle avec Lilly dès le début de notre entrevue. Il y a bien un plan pour ces pensionnaires mais plusieurs choses entrent en jeu à l’heure actuelle, des choses qui ralentissent le processus de réintroduction : l’attente de l’approbation du gouvernement et la recherche d’une zone propice à la réintroduction.

Lilly nous explique qu’après plusieurs prospections aux 4 coins du pays ils pensent avoir trouvé une zone qui pourrait convenir mais qu’aujourd’hui il reste encore à établir plusieurs choses comme par exemple si l’endroit pourra fournir assez de nourriture pour un groupe de chimpanzés. Le problème qu’elle me soulève est celui de beaucoup de programme de conservation : le manque de fonds pour continuer les recherches. Si l’endroit visé est peut être le bon, pour le moment il est impossible pour l’organisation d’être sûre de son coup puisqu’elle ne dispose pas des fonds nécessaires pour envoyer des chercheurs sur place pour faire les dernières vérifications.

La conservation et la sensibilisation en Ouganda

Le deuxième sujet que j’ai voulu aborder avec Lilly était les efforts mis en place pour la conservation des espèces et le positionnement du gouvernement par rapport à cette conservation. Après m’avoir assuré de l’intérêt du gouvernement concernant la conservation des espèces dans le pays elle m’a quand même annoncé qu’il n’y a pas de plan pour protéger plus de territoire en Ouganda mais qu’au jour d’aujourd’hui l’accent était mis sur la sensibilisation.

La menace principale qui pèse sur les chimpanzés n’est pas le braconnage en Ouganda mais la déforestation. Au contraire du Congo où les chimpanzés sont chassés pour être mangés, les ougandais ne chassent pas les chimpanzés pour leur viande. Le souci majeur est donc que les forêts sont des plus en plus grignotées par la population du fait de son besoin en bois de chauffage ou juste en terre pour cultiver. Face à ce constat il a été mis en place un plan de sensibilisation auprès des enfants pour leur apprendre à vivre avec les animaux sauvages qui peuplent le pays mais aussi auprès des adultes en leur apprenant à cultiver plus efficacement afin d’éviter plus de déforestation et en leur donnant la possibilité de se prémunir de fours à bois moins gourmands.

Aujourd’hui l’Ouganda repose donc sur des acquis en matière de conservation des espèces. Le constat que je tire après cet entretien et après les semaines de réflexion qui ont suivis c’est que les programmes de conservation existent dans le pays, que ce soit à Ziwa ou à Ngamba Island, ce sont des programmes prometteurs, réellement engagés dans la problématique de la disparition d’une faune importante pour le pays et son économie mais des programmes qui se voient freiné par le manque de subventions et de fonds qui leur permettraient d’avancer. Si vous passez en Ouganda je ne peux que vous recommander de passer voir les rhinocéros de Ziwa ou les chimpanzés de Ngamba Island, c’est aussi l’une des manières les plus concrètes de participer à la conservation des espèces.

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8 Commentaires

  1. […] restent en danger, même en Ouganda où ils ne sont pourtant pas chasser comme me l’expliquait Lilly de Chimpanzee Trust. Ces chimpanzés sont quand même menacés par la déforestation mais aussi par une chasse […]

  2. […] sont probablement les chimpanzés ou en tout cas ceux qui ont pu partir de l'UWEC pour rejoindre Ngamba Island. Si dans le parc vous pouvez retrouver des panneaux concernant la réintroduction de rhinocéros, […]

  3. […] restent en danger, même en Ouganda où ils ne sont pourtant pas chasser comme me l’expliquait Lilly de Chimpanzee Trust. Ces chimpanzés sont quand même menacés par la déforestation mais aussi par une chasse […]

  4. […] restent en danger, même en Ouganda où ils ne sont pourtant pas chasser comme me l'expliquait Lilly de Chimpanzee Trust. Ces chimpanzés sont quand même menacés par la déforestation mais aussi par une chasse […]

  5. […] non gouvernementales qui se battent pour sauver la faune du pays. Même si ces organisations comme Ngamba ou Ziwa ont le soutien de l'UWA concernant les programmes de conservation qu'ils ont mis en place […]


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